Âmes figurées

Originaire du sud, au bord de la Méditerranée, bleu outre- mer, indigo, céruléen ou Majorelle, j’ai grandi, ô toi astre suprême, sous la dilection de ta vive lumière. Je virevolte au gré du vent, emportée vers l’azur horizon, sous ta tramontane capricieuse et tintinnabulante. Je danse , je saute pieds nus, gambade dans l’ocre des champs de blés craquants , le vert émeraude de l’herbe coupée, le gris noir pierre de lave du sable rocheux.

Pinceaux de bois blonds, couteaux gris argent qui scintillent sous tes feux ardents, agités à la main, maillot ficelles jaune citron, chapeau de paille bouton d’or , je suis éblouie par la puissance de tes rayons tournesol , exacerbant les couleurs chatoyantes de la vie.

Mon bel olivier centenaire, aux reflets vert de gris, je peins sous ton ombre dispersée, dont le tronc brun noueux craquelé soutient ma toile. J’aime tes fruits arrondis, du vert au violet foncé en passant par le rouge violacé, qui à l’automne, jonchent, mûrs, le sol à mes pieds.

Parfum suave de la feuille de figuier, à la panachure veloutée, le jaune flamboyant mimosa me salue. Cocos plumosa vert pomme , butia capitata vert gris bleu, le tilleul élancé et la verveine opulente me murmurent avec délicatesse leurs tons.

Mon esprit s’affole.

Violines lavandes, lilas enivrants, pourpres callistemons , bignones coq de roche dansent avec moi.

Fleurs d’Oiseaux de paradis orangés lancéolés, je m’inspire de vous. Le plumbago bleu ciel me caresse , les hosties fushia des bougainvillées ploient d’élégance.

Fragiles roses de peintre, jasmin blanc immaculé, feuilles vernissées vert anglais, lauriers blanc ivoire drapés empoisonnés, drupes pisiformes des baies roses du faux- poivrier, sous vos fragrances je vacille.

L’eucalyptus, sa majesté, bois sinueux brun de Sienne, me défie. Ma tête tourne, cigales brun noisette assourdissantes, cachées dans la pinède odorante, chaleur accablante, la peinture coule, les couleurs et les vapeurs se mêlent, les traits peu à peu apparaissent.

Je m’incline de vous voir. Toute la nitescence irradiante de l’être.

Je devine ces visages puissants, ces regards adamentins pénétrants, ces corps qui ondulent et qui tremblent. Je tourbillonne autour de vous, boucles d’or au vent.

Au travers de la Médecine aussi, depuis toujours, ils m’accompagnent, me bousculent, m’enveloppent. Je vous observe, profondément, vous écoute en silence. Je suis là et vous aussi, je crois, à côté de moi.

Le soleil , mon roi rougeoyant faiblit, les toiles sèchent, bercées par les coassements nocturnes qui cabriolent. Alors allongée au bord de l’eau, sous le ciel étoilé brasillant, bleu marine infini qui me scrute, je me pose m’y plonge et m’y perds. Sereine, heureuse, mon bel enfant adoré, ma vie, avec ta main rose tendre serrée, blottie au creux de la mienne.

Stéphanie